Lorsque la Secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton rencontra pour la première fois le ministre russe des affaires étrangères, elle lui présenta un gros bouton rouge, destiné à réinitialiser symboliquement les relations russo-américaines. Si celles se portaient bien au début du mandat de George W. Bush (lui et Vladimir Poutine étant tous deux farouchement hostiles au terrorisme islamique), elles se dégradèrent progressivement, notamment à cause du dossier du bouclier anti-missile. Les Etats-Unis souhaitaient en effet installer des installations antimissiles dans certains pays de l'est (la Pologne et la République Tchèque), afin de protéger le territoire européen de toute menace balistique iranienne.

A l'époque déjà, les Russes avaient très mal pris cette initiative. Surveillant jalousement les anciens pays du bloc soviétique, ils vivent l'influence militaire américaine comme une menace. Et c'est assez bizarrement que la Russie a commencé à décrire ce bouclier antimissile comme une agression envers elle. Un général russe déclara qu'en acceptant ces installations, la Pologne deviendrait une cible pour les forces armées russes. Avec la nouvelle administration américaine, le plan changea. Barack Obama essaya d'associer les Russes à sa démarches, diminua la taille du projet et le positionna également en Roumanie. Depuis la signature le 3 mai dernier d'un accord avec ce pays, la Russie ne décolère pas. Peu importe que les parties prenantes répètent inlassablement que ce système antimissile ne se préoccupe pas de la Russie. Celle-ci enrage à l'idée que les pays de l'Europe de l'est puisse... se défendre face à elle.

Lorsque les Européens augmentent leurs défenses, les Russes déclarent vouloir augmenter leurs moyens offensifs par rétorsion. Le Président russe Medvedev a ainsi récemment affirmé que ce plan les pousserait à revenir sur leurs engagements de diminution de leur arsenal nucléaire, et même à augmenter le "potentiel offensif de [leurs] capacités nucléaires". Voilà qui est inquiétant. Et démontre une logique particulièrement tordue. Ainsi, que des pays européens puissent se défendre face à une agression serait une mauvaise chose. Le message implicite est très clair : ils doivent toujours se montrer vulnérables et envahissables par le voisin russe.

D'une façon ou d'une autre, cela relève bien une logique guerrière de la part de la Russie. Avec des dispositifs antimissiles, les pays de l'Est ne menacent personne. Personne en Europe n'a envie d'attaquer la Russie. Visiblement, le contraire n'est pas vrai. En prétendant se sentir agressé par un bouclier, la Russie n'agite qu'un prétexte pour signifier à son ancienne zone d'influence qu'elle ne doit pas se sentir trop libre et indépendante.