En 1955, Shimon Peres a déjà 32 ans. Dans le nouveau pays qu'est Israël, il y a beaucoup à faire, et il a déjà eu l'occasion de prendre de multiples responsabilités en faisant partie de ceux qui ont créé cette nation. Il occupe le poste de directeur général du ministère de la défense. Le ministre en titre n'est autre que le Premier ministre, David Ben Gourion. Celui-ci délègue donc les responsabilités à des personnalités non élues : Moshé Dayan pour le côté strictement militaire, Shimon Peres pour le côté politique. Shimon Peres a donc l'autorité nécessaire pour négocier avec d'autres pays des contrats d'armement, et c'est ainsi qu'il passera beaucoup de temps avec la France de la IVème République pour équiper l'armée israélienne. La France acceptera d'autant plus de vendre ces armes qu'Israël accepte de participer à l'opération de Suez contre l'Egypte de Nasser (considéré par le gouvernement français comme étant la force derrière le soulèvement algérien).

C'était il y a 56 ans, et Shimon Peres était déjà au centre du jeu politique du Proche Orient, voire sur certains aspects, du monde, par répercussion. Il est élu député en 1959, et n'a plus quitté la politique après cela. Plusieurs fois Premier ministre, encore plus souvent ministre, c'est en tant que ministre des affaires étrangères qu'il se voit descerner le prix Nobel de la paix en 1994 pour son implication dans le processus d'Oslo. Ce processus ne répondra finalement pas aux espoirs, mais Shimon Peres est désormais Président de la République israélienne. Il a 88 ans, et témoigne d'une longévité politique incroyable. C'est bien simple, il a tout vu de l'Histoire de son pays, il a même bien connu ceux qui ont fait émerger l'idée du sionisme.

Même aux Etats-Unis, où les carrières de sénateurs s'étalant sur des dizaines d'années ne sont pas rares (l'influence s'obtient avec l'ancienneté), personne n'est en politique depuis plus longtemps que Shimon Peres. On peut avoir l'impression que pas grand chose ne change dans la situation du Proche Orient. Ce conflit quasiment inextricable se pose à peu près dans les mêmes termes depuis des dizaines d'années. Mais on se rend compte que le renouvellement politique est relativement faible. Les têtes d'affiche d'aujourd'hui (le Premier ministre Benyamin Netanyahou et le ministre de la défense Ehud Barak) sont les mêmes qu'hier (ils ont tous deux été Premier ministre auparavant). On a désormais l'impression qu'Israël est presque intemporel, mais en voyant que ceux qui ont créé ce pays sont toujours aux affaires, on se rend compte que c'est une nation encore très jeune en fin de compte.