C'est bien connu, la presse traite les gens suivant la séquence suivante : d'abord elle lèche, ensuite elle lâche, enfin elle lynche. Il y a un an, Dominique Strauss-Kahn était au firmament, déjà élu Président de la République, plusieurs biographies étaient d'ores et déjà publiées pour présenter le nouvel homme fort de la France. C'était ça la, la lèche. La presse l'a totalement abandonné au moment du déclenchement de l'affaire du Sofitel, et fut finalement médiatiquement lynché en bonne et due forme par la suite. Ce n'est qu'à ce moment là que furent posées les questions sur ses liens avec certains milieux, son rapport inapproprié avec la gent féminine, les conflits d'intérêts qui en découlent et la façon dont cela impactait sa gestion des affaires. Persona non grata au PS, aujourd'hui il n'est plus rien. Mais ne nous inquiétons pas, le cirque médiatique continue, et la presse a trouvé un nouvel objet d'adoration. François Hollande est subitement devenu le nouvel horizon indépassable de la politique française, et le voilà amoureusement léché à son tour par la quasi totalité de notre paysage médiatique.

Cela fut particulièrement manifeste lors de son meeting du Bourget. Il faut dire que François Hollande ne prit pas trop de risque en s'inspirant méticuleusement de celui de Nicolas Sarkozy à la porte de Versailles cinq ans auparavant. Les commentateurs politiques vantent son programme qualifié de sérieux, sans s'être vraiment posés de questions à son sujet. Tout le monde gobe sans rechigner les chiffres fournis dans son programme, sans qu'ils ne recouvrent pour autant une réalité. Voilà la promesse : le coût du programme de François Hollande est évalué à 20 milliards d'euros, financé par la suppression de niches fiscales pour 29 milliards d'euros, le différentiel permettant de réduire le déficit. Seulement, dans le détail, c'est bidon.

La suppression des exonérations de charges sociales sur les charges sociales est abondamment cité en exemple, mais cela ne fait au mieux que 3,2 milliards d'euros de rentrées fiscales. Le reste est beaucoup plus folklorique : 2,1 milliards d'euros sont trouvés dans la maîtrise des effectifs de l'Etat. S'ils sont seulement "maîtrisés", c'est à dire qu'ils n'augmentent pas, ce n'est pas une rentrée d'argent, ce n'est même pas une économie sur de l'argent qui était prévu pour être dépensé. C'est comme si un particulier comptait comme rentrée d'argent le fait de ne pas acheter une Ferrari qu'il n'avait de toute façon pas budgétée. C'est ridicule d'un point de vue comptable. Et si la maîtrise des effectifs de l'Etat doit être compris comme une réduction supplémentaire par rapport à ce qui est d'ores et déjà prévu par le gouvernement, il faudrait le dire, car le reste du programme dit exactement l'inverse, en annonçant au contraire des recrutements.

De même, le redéploiement des crédits budgétaires (pour 2,4 milliards d'euros) n'est pas non plus une ressource financière. Pour bien faire, il faudrait remplacer cette expression vague par la mention des programmes qui ne seront plus financés, mais comme ce n'est pas le cas, cela veut dire que c'est de l'argent qui n'existe pas. Enfin, le Parti Socialiste trouve 4 milliards d'euros par la suppression de la déductibilité des intérêts d'emprunts... qui a été déjà supprimée en 2011. Du grand art... Ce programme fut célébré pour n'avoir retenu une hypothèse de croissance de 0,5 % au lieu des 2,5 % initialement prévus par François Hollande lors de la primaire socialiste... mais cela ne concerne que l'année 2012. Pour les trois dernières années de mandat, le PS est toujours certain d'avoir 2,5 % de croissance. Quel optimisme !

Donc les 20 milliards de dépenses supplémentaires sont en fait peu financés. Et dès lors, les 9 milliards d'euros d'euros supplémentaires mentionnés pour réduire le déficit ne sont pas du tout détaillés. C'est bien simple, ils n'existent pas. Le programme de François Hollande se contente de nous promettre un taux de prélèvements obligatoires de 46,9 % en 2017, une hausse de 4 points par rapport à 2010, ce qui ferait de la France le deuxième pays en la matière parmi les industrialisés. Il n'y a pas de véritables réductions de dépenses de prévu, seulement des impôts supplémentaires, et encore, insuffisants pour financer les nouvelles dépenses. Les prévisions de réduction des déficits sont donc fantaisistes, et l'on s'aperçoit rapidement que le chiffrage a dû être fait à la va vite sur une nappe en papier dans un restaurant au moment du digestif pour arriver à un tel résultat. Mais après tout, l'important doit être de donner des chiffres, peu importe s'ils sont bidons... Comme tout le monde, François Hollande sera un jour lui aussi lâché par les médias. La question qui reste désormais, c'est "ouvriront-ils les yeux avant ou après l'élection ?"