La polémique sur le siège du Parlement Européen refait surface fréquemment. Les députés européens ne sont pas les derniers à s'y engager, ils rejettent en majorité le fait que le Parlement Européen soit séparé en deux, et doive être transféré en fonction des sessions. Le Parlement se réunit en séance plénière à Strasbourg, et en séances restreintes et en commissions à Bruxelles. Le coût de ces transferts réguliers est de 200 millions d'euros pour l'Union Européenne. Non seulement ces dépenses sont inutiles, mais le fait même que les députés européens doivent osciller entre deux de travail est absurde. Il est donc rare de trouver de véritables soutiens à cette division du Parlement Européen. Mais se pose alors la question de la ville qui doit tout regrouper. Les députés européens préfèrent Bruxelles, où ils ont leurs habitudes. En tant que capitale de la Belgique, la ville est très grande, dispose de tous les équipements, et en tant que siège de multiples autres institutions, est déjà largement polyglotte. Le fait que la Commission Européenne s'y trouve déjà peut être vu comme une façon de faciliter l'influence (réciproque) entre ces deux organes de l'Union Européenne. Mais l'on peut se demander si justement l'exécutif et le législatif de l'Union Européenne ont besoin d'être centralisés au même endroit.

Ce n'est de toutes façons pas les députés européens qui choisissent où ils siègent, puisque c'est décidé dans les Traités discutés entre les gouvernements. Historiquement, il y a trois capitales à l'Union Européenne : l'exécutif, c'est-à-dire la Commission Européenne est à Bruxelles, le législatif, soit le Parlement Européen, est à Strasbourg, et la capitale du Luxembourg est également l'un des sièges de l'Union, en abritant notamment la Cour de Justice des Communautés européennes. Le Luxembourg n'héberge pourtant pas la Cour Européenne des Droits de l'homme, qui est à Strasbourg, mais accueille néanmoins le secrétariat général du Parlement Européen, ainsi que certains services de la Commission Européenne. Un échange pourrait être fait, pour que Luxembourg puisse être le centre des institutions judiciaires de l'Union Européenne, et que Strasbourg regroupe tout ce qui constitue le Parlement Européen. La France refuse que la ville alsacienne voie partir le Parlement, alors qu'elle est aujourd'hui complètement consacrée au projet européen. Le fait qu'une des capitales de l'Union Européenne soit à Strasbourg est un symbole majeur en soit. Après tout, l'Europe s'est faite sur le refus de la guerre, d'abord via l'alliance entre l'Allemagne et la France. Et en moins d'un siècle, il y eut pas moins de trois guerres entre ces deux pays, portant (entre autres), sur la domination de l'Alsace et la Lorraine. Ces basculements ont fait de l'Alsace un territoire disposant d'une double culture, d'une grande ouverture et d'une forte sensibilisation sur les enjeux européens. Faire de cette ville une capitale européenne est un signal d'apaisement et d'ambition de développement commun.

Evidemment, Strasbourg a été longtemps mal desservi par les infrastructures. Il y a désormais le TGV Est, qui la relie plus rapidement à Paris, et qui pourra accélérer à terme également les liaisons avec Francfort ou Stuttgart. On peut néanmoins regretter l'absence d'une autre ligne à grande vitesse qui relierait Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg, les trois capitales européennes. Pour qu'il n'y ait qu'une capitale européenne, il faudrait qu'elle semble peu attachée à l'un ou l'autre des pays de l'Union. Cela peut être le cas de Strasbourg. Mais cela pourrait également être le cas de Bruxelles, de façon surprenante, sur le long terme. En effet, en cas d'implosion de la Belgique, son actuelle capitale serait l'objet d'un conflit politique pour savoir quel serait alors son statut, alors qu'elle est actuellement l'une des trois parties de la Belgique, une ville neutre et censée être bilingue. Une solution pourrait être d'en faire une ville internationale, entièrement dévolue à l'Union Européenne. Mais une telle évolution ne relève que d'échéances très lointaines, en plus d'être loin d'être certaine. En attendant, si certaines institutions peuvent être déplacées, cela ne doit pas forcément être fait dans le but de sacrifier l'une des capitales de l'Union Européenne au profit d'une autre.