En 1994 le déficit du budget de l'Etat canadien atteignait un montant représentant 5,3 % du PIB, et la dette publique dépassait largement les 60 % du PIB. Elu avec un mandat fort en matière d'assainissement des finances publiques, le Premier ministre Jean Chrétien s'est efforcé de rétablir l'équilibre budgétaire via un effort colossal en matière de réduction des dépenses publiques. Et avec succès, puisque quelques années plus tard l'Etat canadien retrouvait un excédent budgétaire, et dès 1995 le montant de la dette a commencé à diminuer en proportion du PIB. Depuis 1998, le budget canadien est excédentaire, et en 2005 la dette publique représentait moins de 40 % du PIB. Une remise en état aussi spectaculaire fait évidemment envie aux responsables français, et certaines personnalités politiques ont fait le voyage au Canada pour y prendre des leçons en matière de réforme de l'Etat.

C'est ainsi que le Sénat notamment a consacré un rapport très intéressant sur ce sujet, à l'occasion d'une visite au pays à la feuille d'érable faite sur le chemin vers Saint-Pierre et Miquelon. On y découvre comment le gouvernement a supprimé plus de 6 % des postes de fonctionnaires fédéraux entre 1994 et 1999. Pour cela, des indemnités de départ ont été prévues, ainsi qu'un organisme entièrement dévolu au reclassement des agents partants. Les rémunérations des agents publics ont très peu augmenté depuis la réforme, ayant même été gelées entre 1994 et 1997. Le nombre des ministères a été drastiquement réduit, et chacun d'entre eux a vu une baisse de ses crédits à deux chiffres, le tout pour arriver à une baisse de 20 % des dépenses publiques. Certains services d'intérêt général ont été délégués au secteur privé au passage. Tout le processus a suivi une concertation incessante, facilité par un encadrement très strict du droit de grève.

En outre, pour maintenir la qualité des comptes publics, des indicateurs de performance des services publics ont été créés, une grande transparence de l'utilisation de l'argent public a été établie et le contrôle y est pris au sérieux. Toute l'organisation des services publics a été repensée, notamment via l'établissement de guichets uniques et d'administrations en ligne. De même, les fonctions supports des différentes administrations ont été regroupées pour générer davantage d'économies. Encore aujourd'hui, les efforts de rationalisation sont poursuivis.

Evidemment, ce modèle canadien n'a pas à être reproduit tel quel en France. Déjà, l'Etat canadien est fédéral, ce qui change pas mal de choses. De plus, le Canada a du réembaucher par la suite pour certains postes, la suppression d'effectif ayant entraîné une dégradation des conditions de travail et une perte d'expertise. Néanmoins, l'opération reste largement bénéfique pour le pays. Les Canadiens eux-mêmes ne supportaient plus que 37 % des recettes fiscales du pays soient consacrés au service de la dette fédérale. Aujourd'hui, en France, le service de la dette représente plus de 40 milliards d'euros... soit le montant du déficit public justement.