La chancelière allemande Angela Merkel a décidé de rencontrer le Dalaï Lama, dirigeant en exil du Tibet, et autorité de la religion bouddhique récompensée du prix Nobel de la paix. Evidemment, cette démarche provoque la fureur du gouvernement chinois, qui voit dans ce moine pacifiste un agent séparationniste, alors que celui-ci ne prône même pas l'indépendance de son pays pourtant militairement conquis il y a plus de cinquante ans, mais seulement l'autonomie. La Chine, qui considère le Tibet comme l'une de ses provinces, n'entend pas que le Tibet ait un quelconque régime spécial. D'une part, la nature nationaliste du pouvoir en place en Chine ne permet pas de reconnaître la présence de Tibétains. Ainsi, le Tibet est colonisé depuis des décennies par des Chinois en vue de lui faire perdre toute spécificité. D'autre part, Pékin s'est toujours défié des religions. Cela pouvait être à l'origine une conséquence de la doctrine marxiste, qui considérait la religion comme l'opium du peuple, mais aujourd'hui, il s'agit bien davantage du souci de ne pas laisser s'installer une autre influence que celle du pouvoir en place. Les religions sont donc placées sous la tutelle directe du gouvernement chinois, à l'exclusion de tout autre. Le parti communiste chinois nomme ainsi des évêques qui lui sont loyaux, et combat la hiérarchie nommée par le Vatican. A ce double titre, le Dalaï Lama est donc considéré comme un ennemi.

Si celui-ci est actuellement bien identifié, la Chine compte bien profiter d'un éventuel "passage de pouvoir" pour mettre définitivement sous tutelle le bouddhisme tibétain. Le but sera alors de reproduire la méthode employée pour le Panchen Lama, numéro deux dans la hiérarchie des lamas tibétains. Après la mort (troublante) du précédent Panchen Lama en 1989, la Chine comme le Dalaï Lama avaient lancé une procédure pour reconnaître sa nouvelle réincarnation. Quand le Dalaï Lama reconnut officiellement Gedhun Choekyi Nyima, jeune garçon de six ans, comme le nouveau Panchen Lama en 1995, celui-ci disparut quelques jours plus tard, et n'a plus jamais été revu. La Chine affirme le "protéger" en un endroit tenu secret (ce qui signifie qu'il est emprisonné depuis cette époque), et après avoir fait également disparaître le moine qui trouva ce garçon, s'est occupé de reconnaître (par tirage au sort entre trois candidats) son propre Panchen Lama, Gyancain Norbu, évidemment à sa solde. Et depuis le 1er septembre dernier, une nouvelle réglementation prévoit que chaque nouvelle réincarnation devra désormais être approuvée par le pouvoir chinois. En clair, après avoir créé un Panchen Lama fantoche, il s'agira de montrer un Dalaï Lama tout aussi factice, entièrement dévoué à la cause du gouvernement chinois, lorsque l'actuel, Tenzin Gyatso, viendra à disparaître.

Pendant que l'on s'émerveille du développement économique chinois, et que l'on profite de ses avantages concurrentiels (le faible prix de la main d'œuvre), la Chine continue de bafouer quotidiennement les libertés de son peuple. Evidemment, les pouvoirs publics des autres grandes puissances n'ont jamais rien osé affirmer une quelconque réprobation envers de mouvements, tels que cette réglementation contrôlant les forces supérieures de la réincarnation. Ce qui était encore plus désolant, c'est que la peur de peur de perdre des contrats empêchait également de simplement discuter avec le Dalaï Lama, peut être le dernier authentique. De toutes façons, ces contrats chinois si recherchés sont d'ores et déjà des pièges, où les dispositions obligatoires de joint ventures et de transferts de technologies sont si importantes qu'ils ne font que créer de redoutables concurrents. Du reste, les éventuelles vexations chinoises ne sont menaçantes que si cela l'incite à se tourner vers des pays plus conciliants et lâches. Pour bien faire, l'idéal serait donc que chaque grande puissance veille à inviter le Dalaï Lama en visite officielle. Stephen Harper, le Premier ministre canadien, vient d'ailleurs de le faire à la suite d'Angela Merkel. Ils ont bien raison, et il faut espérer que le mouvement s'étende à la France, et au reste de l'Union Européenne et des pays développés.