Heureux d'avoir libéré leur pays de la dictature, des dizaines de milliers de Tunisiens tentent d'en sortir au plus vite. Ils traversent la Méditerranée pour débarquer en France, le but ultime étant la France, visiblement largement considéré comme un eldorado financier. Certains flux migratoires ont pour destination la Grande-Bretagne. C'est pourquoi la France a toujours veillé à ce que ces migrants ne puissent arriver sur le territoire d'outre-Manche. Mais en Italie, ce n'est pas exactement le genre d'idées qui ont cours. Partant du principe que cette vague migratoire a une ampleur telle qu'ils ne peuvent l'encaisser seule, elle cherche à se débarrasser généreusement du problème sur ses voisins. Aujourd'hui, un immigrant clandestin tunisien sera donc accueilli par les autorités italiennes, qui lui donneront un titre de séjour temporaire de six mois (le temps maximal où l'Italie est obligé de reprendre les clandestins qui sont arrivées dans l'Union Européenne par elle) et lui offriront même un billet de train pour la France.

La colère de la France face à une telle attitude peut se comprendre. Celle de l'Italie un peu moins. Elle reproche aux autres pays européens de devoir faire face seule à ce flux presque incessant de clandestins. Mais elle oublie qu'en comparaison, elle n'accueille pour l'instant que bien peu d'immigrants. La France et l'Italie ont fini par se mettre d'accord sur un texte visant à modifier les règles de l'espace Schengen, qui permet de se déplacer librement dans 25 pays européens. Le but est de pouvoir rétablir plus facilement le contrôle aux frontières intérieures. Vu les données de la question, ce n'est pas vraiment une solution.

Ce que montre de telles vagues migratoires, ce n'est pas le besoin de contrôler le territoire européen, mais ses frontières. En conséquence, ce n'est pas moins d'Europe qu'il faut sur ce dossier, mais davantage. Ce sont d'ores et déjà des axes de travail des institutions européennes : d'abord, avoir une véritable politique migratoire commune. La proximité idéologique de bon nombre de gouvernements européens rendent possible cet approfondissement. Ensuite, avoir de véritables frontières européennes. C'est un point également abordé par la déclaration franco-italienne, l'agence européenne Frontex doit pouvoir bénéficier de possibilités qui s'adaptent en fonction des vulnérabilités de tel ou tel point des frontières européennes.

Se demander comment accueillir autant de personnes en situation illégale, c'est déjà ne pas se poser la bonne question. Ces populations n'ont tout simplement pas vocation à rester et doivent être renvoyées dans leur pays d'origine. Or dès qu'elles posent le pied sur le territoire européen, elles deviennent prises en charge par l'Etat (ce qui est bien leur objectif). Il doit donc d'abord y avoir un travail de dissuasion avant même l'embarquement, puis il faut pouvoir être en mesure de renvoyer les bateaux arrivants dans le sens inverse avant qu'ils ne débarquent. C'est un vrai travail de garde frontière. Ce doit être la priorité, plutôt que de s'en prendre aux libertés des citoyens européens et immigrants légaux en rétablissant de bien pénibles contrôles aux frontières intérieures. Avouons néanmoins que la mise en avant de l'espace Schengen comme thème de discussion reste du domaine de l'affichage, comme le montrent les propositions finalement bien modérées de réformes faites par la France et l'Italie...