Dans la mythologie grecque, Arès est le brutal dieu de la guerre, particulièrement apprécié à Sparte. Il pâlit de la comparaison avec Athéna, déesse qui s'occupe également de la guerre, mais de façon plus sage, plus posée, protectrice d'Athènes. Mais il va pouvoir se reconvertir en dieu... du centre. ARES (Alliance Républicaine Ecologique et Sociale) est en effet le sigle adopté pour désigner la confédération des centres en cours de construction. Une semaine après le Nouveau Centre, le Parti Radical a décidé en congrès ce week-end de rallier cette confédération des centres. Pour le Parti Radical, cela implique de quitter l'UMP. Et la suite, ce serait une candidature à la prochaine présidentielle.

Dans cette "ARES", il y a deux logiques différentes. Il y a d'abord celle de Hervé Morin. Lorsqu'il était bayrouiste, il attaquait durement l'UMP et Nicolas Sarkozy. Puis, lorsqu'en 2007, François Bayrou le laissa en rase campagne lui et les autres députés UDF pour leur réélection, il choisit de rallier la majorité de droite. Il devint lui-même ministre de la Défense de Nicolas Sarkozy. Ayant réuni dans le Nouveau Centre les députés dans une situation semblable, il déclara constamment que son parti avait vocation à présenter un candidat à la présidentielle. On comprenait bien qu'il parlait de lui-même. Il n'y avait pourtant pas vraiment de désir des électeurs pour une candidature de Hervé Morin, l'homme restant encore mal identifié. Après avoir quitté le gouvernement, il travaille à cette candidature, ayant même récemment publié un livre où, en attaquant le gouvernement, il s'attaque lui-même. On peut rester circonspect sur cette approche.

Il y a ensuite la logique de Jean-Louis Borloo. Recruté par le Parti Radical en 2005, il avait grimpé les échelons du gouvernement sous Jacques Chirac, et en 2007, il fut l'un des derniers de l'UMP à annoncer son soutien à Nicolas Sarkozy avant le second tour. Toute la question des radicaux, de droite comme de gauche, est d'avoir suffisamment d'influence au sein de leurs alliances respectives. Jean-Louis Borloo s'est donc efforcé de diffuser les idées centristes au sein de l'UMP et du gouvernement, travaillant sur ses dossiers (le Grenelle de l'environnement) et à la promotion de son parti. Toujours populaire, il croyait arriver au but lorsqu'il fut question de le nommer Premier ministre. Cela aurait du être la consécration du centre. Néanmoins, cela se transforma en humiliation lorsque les centristes se firent sortir du gouvernement, et lui-même choisit de ne pas y rester dans ces conditions. Alors que l'heure était aux Nadine Morano, Frédéric Lefebvre et Jean-François Copé, le signal était clair : le centre n'était plus le bienvenu au pouvoir.

Jean-Louis Borloo, ancien ministre d'Etat et premier-ministrable, président de son propre parti, avait donc toutes les cartes en main pour se présenter à la présidentielle. Seulement, deux candidatures de centre droit (avec Hervé Morin), cela aurait été une de trop. Voilà pourquoi le Nouveau Centre et le Parti Radical se sont unis. Quelque soit ses velléités, Hervé Morin pourra difficilement être candidat à la place de Jean-Louis Borloo, qui a bien plus de légitimité. Il faut toutefois rester réaliste : Jean-Louis Borloo a peu de chances de devenir Président. Il n'est même pas dit que ce soit vraiment son objectif. Une candidature centriste est redoutée par Nicolas Sarkozy, qui craint la dispersion des voix au second tour.

Le ralliement des centristes devra être une séquence soigneusement étudiée pour qu'il soit efficace. D'ores et déjà, Jean-Louis Borloo assume l'ensemble du bilan gouvernemental et refuse d'attaquer le Président et le gouvernement comme a pu le faire Hervé Morin. Ce dont il est question ici, c'est donc bien de Matignon en 2012, en cas de victoire de la droite. En 2007, Nicolas Sarkozy avait réussi à faire le grand écart pour réunir les voix tant d'une bonne part des centristes que d'anciens électeurs de l'extrême droite. Face aux difficultés de l'exercice du pouvoir, l'un des enjeux de la présidentielle pourrait être la réconciliation entre le centre et la "droite populaire". Et alors, le but d'Arès serait d'œuvrer pour la paix entre ces familles politiques.