Des primaires pour désigner le candidat d'un parti à une présidentielle, il y en a déjà eu. Lionel Jospin en 1995, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy en 2007, les Verts régulièrement également. Le procédé n'a rien de nouveau. L'innovation de cette année au Parti Socialiste, c'est de permettre aux non adhérents de voter également. Et ils acceptent large : sur leur site, il est indiqué que "tout le monde peut voter !" Et comme le candidat du Parti Socialiste a une probabilité non nulle d'être élu, autant qu'il soit au maximum à mon choix. Voyons donc les critères requis pour pouvoir voter plus en détail... Je suis bien citoyen français inscrit sur les listes électorales. Et il faut également signer un engagement dans les valeurs de la gauche.

Le texte est court. "Je me reconnais dans les valeurs de la Gauche et de la République, dans le projet d’une société de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de justice et de progrès solidaire." Je suis républicain, et à ce titre, j'adhère aux valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité qui sont proclamées par la Constitution. Je suis pour la justice également (rares sont ceux qui affirment être pour l'injustice, d'ailleurs). Pour le progrès, bien sûr, pour le solidaire, il faudrait mieux définir le concept : est-ce créer des opportunités pour autrui, ou simplement lui piquer son argent dans son portefeuille ? Quant à se réclamer de la gauche, cela pourrait être plus difficile, pour qui tient un blog de droite. Mais l'on peut fort bien se réclamer de la gauche d'autrefois. Ainsi, Georges Clémenceau a commencé à l'extrême gauche de l'échiquier politique (d'où la dénomination de "radical") pour finir à son centre droit, et ce, sans changer d'idées. L'apparition des socialistes puis des communistes avait provoqué cette glissade. Je me reconnais donc tout à fait dans les valeurs de gauche du début de la IIIème République.

La déclaration ne posant plus de problème, reste un euro à payer. Le Parti Socialiste ressuscite ainsi le suffrage censitaire. Cela peut surprendre, à moins qu'il ne s'agisse d'une adhésion très bon marché au PS. Mais quelques éléments demeurent qui rendent réticents. Déjà, la sincérité du scrutin reste très suspecte, on a vu lors de la dernière élection de la première secrétaire du PS que les élections socialistes étaient sujettes à toutes les manipulations possibles. Ensuite, il y a le fait que le PS se vantera de la participation à leur primaire de façon interminable. Voilà qui n'est pas forcément enthousiasmant, mais ça reste à voir.

La vraie leçon à tirer de ce scrutin sera surtout de savoir si les électeurs seront plus éclairés que les militants socialistes ordinaires. En 2006, ces derniers avaient choisi Ségolène Royal dès le premier tour. Les sondages la donnait alors gagnante face à Nicolas Sarkozy. Ce choix fut désastreux, et s'il ne l'avait été pour les socialistes, il l'aurait été pour la France. Aujourd'hui, Ségolène Royal accuse le pouvoir de manipuler les sondages pour lui être défavorables. Elle ne s'en plaignait pas il y a cinq ans. Après les primaires, il faudra voir si François Hollande n'aura été qu'un candidat de sondages...