D'un point de vue idéologique, le regroupement et la disparition du RPR, d'une partie de l'UDF et de Démocratie Libérale de par la création de l'UMP n'ont pas été neutres. Le RPR était auparavant qualifié de parti gaulliste, un qualificatif que l'UMP n'a jamais eu, alors que François Bayrou essayait de se revendiquer comme le seul héritier du centrisme. De ce fait, en laissant cohabiter les idées, l'UMP n'a pas vraiment de socle idéologique naturel. Fondé pour soutenir la politique d'un Président de la République, Jacques Chirac, il a progressivement changé de braquet à mesure que le but devenait surtout de soutenir la candidature de celui qui deviendra le suivant, Nicolas Sarkozy. Celui-ci prend le contrôle de l'UMP à l'automne 2004 sans aucune difficulté. Depuis des mois il était évident qu'aucun autre candidat ne ferait le poids face à lui pour diriger la droite. En effet, avec son accession au ministère de l'Intérieur, il s'est forgé une popularité extrêmement forte auprès des Français, et encore plus pour ceux de droite pour qui il incarne un nouvel espoir. Nicolas Sarkozy était prêt à quitter le gouvernement pour prendre l'UMP car il savait qu'un grand parti politique acquis à sa cause serait nécessaire pour la campagne présidentielle. Sa candidature à l'investiture suprême, évidente, lui donne d'emblée une autorité sur la droite, et les thématiques qu'il déploie permettent de renouveler la pensée de ce mouvement.

Entré en politique pour défendre la candidature de Jacques Chaban-Delmas, Nicolas Sarkozy a probablement dès le départ voulu agir pour sa propre ascension et son propre succès. D'abord élevé dans le champ du gaullisme interprété par Jacques Chirac, il se montre par la suite attiré par les idées libérales. Le fait qu'il devienne balladurien en 1993 tient sans doute de cette conjonction de facteur : la possibilité de concilier le gaullisme du RPR, le libéralisme d'Edouard Balladur, et la satisfaction de son ambition, le Premier ministre de l'époque étant alors le grand favori de la présidentielle de 1995. Le plus balladurien des balladuriens, Nicolas Sarkozy est rejeté par son propre camp lors de la défaite de son mentor, et même aujourd'hui, ses relations avec Jacques Chirac restent ambiguës. Il revient dans le jeu après la dissolution, à la faveur d'une alliance avec Philippe Séguin pour prendre le RPR, puis mène la campagne des européennes de 1999, où il ne parle quasiment pas d'Europe, et où il échoue. Il arrive néanmoins à se rendre suffisamment incontournable pour qu'en 2002, Jacques Chirac accepte de le nommer numéro deux du gouvernement. A l'Intérieur, l'application des promesses de campagne du Président sur une approche sévère de la criminalité lui apporte enfin la popularité. Surtout, son discours politique, qui est d'assumer le fait d'être de droite plutôt que de s'en excuser, le rend audible auprès de toute une partie d'une population.

Si, dans les faits, il n'est pas si libéral qu'on le croit, c'est qu'il ne se prive pas d'être pragmatique, tout en gardant un discours clair et ambitieux pour la France. Et à vrai dire, son positionnement idéologique a beau être assez équilibré et inhabituel, ce qui le différencie surtout, c'est sa façon de faire. Pendant les cinq dernières années, pendant la campagne et pendant sa présidence, c'est une démarche volontariste qu'il applique. Son plus grand atout réside dans sa croyance que la politique ne doit pas se considérer comme vaincue d'avance par la force des choses, et qu'elle peut amener de grands résultats. Montrant le même activisme que Jacques Chirac dans sa jeunesse, il n'entend pas se retirer dans une posture prudente comme l'avait fait son aîné. Son énergie revendiquée doit lui permettre de changer la France, comme il considère que ses seuls efforts l'ont permis de monter au plus haut poste.

Lorsque l'on lit la biographie qu'a fait Max Gallo sur Napoléon Bonaparte, la comparaison vient facilement à l'esprit. Tous deux ont utilisé le même type d'énergie, d'abord pour monter les échelons, construire leur renommé par le mérite, prendre le pouvoir et imprimer leur marque sur la société. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que Max Gallo ait soutenu Nicolas Sarkozy à la présidentielle. Evidemment, l'idée de ravoir un Napoléon pour diriger la France ne plait pas à tout le monde, les conséquences pouvant être graves. Mais au moins celui-ci évolue de manière quand même plus apaisé, dans un cadre de droit. Cela montre surtout ce qui a fait la force de Nicolas Sarkozy : son volontarisme, le fait d'apparaître comme un recours, une énergie sur laquelle on devrait pouvoir compter pour changer les choses. Car pour celui qui est ambitieux, l'ambition ultime est de réussir dans la tâche qui a été si longtemps attendue.

Image : The Economist