Après ses dernières défaites, le Parti Socialiste est à nouveau en phase de rénovation. La principale question est de savoir s'il arrivera à régler le dilemme qu'il n'a pas voulu trancher ces cinq dernières années : doit-il rester fidèle au socialisme énoncé lors du congrès d'Epinay, ou bien doit-il assumer une ligne politique sociale démocrate ? A force de croire que les deux tendances pouvaient cohabiter, les socialistes se sont forcés à ne rien trancher et à ne pas avoir de vision claire des politiques à mettre en œuvre. La principale difficulté est de mettre un terme définitif à la doctrine marxiste, qui continue toujours de former les esprits d'un grand nombre de citoyens et de responsables politiques. Les habitudes sont ancrées de façon si profonde que leurs remises en cause ne semble pas aller de soi. Ainsi, François Hollande, lors de la dernière université d'été, annonce que "le Grand Soir, c'est fini" juste avant d'entonner l'Internationale avec le reste des participants à la réunion. D'une manière générale, la thématique de la lutte des classes continue de constituer le socle de pensée idéologique d'une large partie de la gauche, qui croit que le pouvoir d'achat s'accroît à travers la lutte sociale, qu'il y a toujours suffisamment d'argent pour exaucer tous les désirs, à condition de le prendre dans la poche du patron, et que ceux qui sont riches exploitent les pauvres travailleurs. Déjà fortement répandue en France, cette pensée est même dominante chez les syndicats, leur empêchant ainsi d'avoir un comportement crédible et responsable. Ainsi, le syndicat Sud Rail n'hésite pas actuellement à proclamer que plutôt que de faire revenir les régimes spéciaux de retraites au niveau de ceux du reste de la population, il faut que tout le monde redescende à 37 années et demi de cotisation, vu que, selon leur raisonnement, "la France produit suffisamment de richesse qu'il faut prendre là où elles sont".

La rhétorique marxiste continue donc de durer. Elle est certes séduisante : c'est le seul système politico-économique complet conçu comme alternative au capitalisme. Mais d'une part il a montré son inefficacité, d'autre part l'analyse de Karl Marx de la vie économique du XIXème siècle n'est plus de tout à fait de mise aujourd'hui. La "classe moyenne" est de nos jours celle qui domine largement les autres, et ce d'autant plus qu'il n'y pas de conscience de classe où que ce soit dans la société. De ce fait, la lutte des classes n'est pas possible. Et plutôt que de vouloir persévérer dans une vision conflictuelle des rapports sociaux, il vaudrait mieux privilégier une approche apaisée des négociations. Car de toutes façons, l'internationale des travailleurs est moins que jamais d'actualité, comme les entreprises sont en concurrence mondiale les unes avec les autres. La France est l'un des derniers pays à conserver une aussi forte dose de marxisme dans son approche des choses, et cela la dessert quotidiennement, ne serait-ce que pour faire les réformes structurelles nécessaires à sa remise en état. Il s'agit là d'un véritable conservatisme, de corporatismes tenaces qui immobilisent la société française et l'empêche d'avancer. Voilà pourquoi il faut arrêter de toujours considérer les choses sous l'angle des protestations sociales, car il est nécessaire de solder une bonne fois pour toutes la lutte des classes, d'en finir définitivement avec le marxisme.

Il est donc souhaitable que les syndicats représentent mieux une société qui a, pour une bonne part, reconnu l'inutilité des vieilles recettes qui promettaient le bonheur pour tous à condition de s'en prendre à celui qui réussit dans la vie. De même, le Parti Socialiste ne doit pas hésiter à rejeter franchement ceux qui, parmi ses membres, continuent de croire que tout ce qui est à leur droite représente le mal et souhaitent abolir le capitalisme. Des gens comme Jean-Luc Mélenchon et Henri Emmanuelli ne doivent plus être capables d'influencer la ligne politique de leur parti, quitte à ce qu'ils le quittent pour rejoindre le moribond Parti Communiste qui défend les mêmes positions qu'eux. Et c'est, au final, une prise de conscience généralisée qu'il faut souhaiter voir s'accomplir : la lutte des classes et la rhétorique marxiste sont des visions dépassées de la société, qu'elles n'ont jamais servie. Malheureusement, cela constitue désormais une partie de notre culture, cette idéologie pouvant même se retrouver facilement parmi les jeunes générations ou certaines catégories de salariés du secteur public. Ce n'est pas pour cela qu'il faille s'en contenter pour autant.