En 2006, le porte avions français décommissionné Georges Clemenceau partit pour l'Inde afin d'être démantelé. Des associations écologistes s'opposaient à ce démantèlement en Inde, le navire posant des risques pour les travailleurs indiens, les chantiers n'étant pas suffisamment sécurisés. Au terme d'une pantalonnade, le Clemenceau fut rejeté par l'Inde, et il dut revenir en France. Ce démantèlement est en cours depuis 2009 dans un chantier anglais qui a du s'adapter pour l'occasion. L'affaire avait révélé les difficultés européennes à démanteler des navires de taille importante. En 2010, le ministère du développement durable expliquait sur son site "le nombre de chantiers de démantèlement de navires dans l’Union européenne a diminué au cours de ces vingt dernières années, et la capacité est désormais insuffisante pour le recyclage des grands navires marchands battant pavillon des Etats membres de l’Union européenne ou détenues par des sociétés de l’UE."

A la suite de l'affaire du Clemenceau, Matignon avait créé une Mission interministérielle sur le démantèlement des navires civils et militaires en fin de vie (MIDN). Elle avait rendu son rapport en 2007. Le constat de base est assez clair : les navires sont envoyés de plus en plus tard à la démolition, et plus de 90 % du marché se trouve en Asie, une région où les pratiques sont peu respectueuses des normes en la matière. Le Bangladesh en a à lui seul 70 %. Pour des raisons techniques, il est impossible pour les armateurs européens de dépolluer complètement un navire avant de l'envoyer se faire démanteler en Asie. En effet, cela remettrait en cause sa structure, et il doit rester en un seul morceau pour faire le trajet. En outre, ces deux opérations successives (dépollution puis démantèlement) coûtent plus cher que si elles sont intégrées en une seule. Le démantèlement de navire permet d'activer des filières de recyclage, et la revente des métaux est une source de revenus en soi.

Les chantiers européens de démantèlement sont bien adaptés pour les petits navires qui ne pourraient de toute façon tenir la distance jusqu'à l'Asie. Pour les navires de taille importante, le marché ne nécessite pas de subventionner de nouvelles capacités industrielles d'après le rapport de la mission interministérielle. Le secteur privé pourrait parfaitement développer de nouveaux projets industriels européens. En France, nos chantiers de construction de navires sont à la peine, il y a donc des opportunités en termes géographiques (proximité du démantèlement, infrastructures côtières) et d'emploi. Ne serait-ce que pour le démantèlement des navires étatiques, il y a tout une filière à développer rapidement. C'est donc une activité à favoriser sur la côte atlantique française, par le regroupement de groupes européens et la reconversion d'infrastructures.