Aujourd'hui, chacun se réjouit du retour en France de Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier. Leurs 18 mois de captivité ont du paraître bien long aux journalistes de France 3. Mais si on se réjouit pour eux, il est difficile de ne pas noter qu'on se réjouit différemment pour eux que pour d'autres otages. Et quand on dit "d'autres otages", on veut dire des otages non journalistes. La différence de traitement est flagrante, non seulement pendant la libération, mais également pendant la captivité. Pour les deux journalistes, le public a eu le droit à de nombreuses manifestations de soutien, avec grandes banderoles sur les bâtiments, rappel de leur captivité chaque semaine sur les antennes, et hier, un logo spécial fut même affiché en permanence dans les programmes de France 3. On peut douter de l'efficacité d'une telle méthode : d'un côté, les otages, s'ils en ont vent, peuvent se sentir soutenus. De l'autre, les preneurs d'otages voient leur position renforcée, leurs captifs ayant une valeur plus affirmée, ils peuvent se montrer plus exigeants.

Se pose alors toutes les questions sur la satisfaction des revendications. Ici, il semble bien qu'ils aient été libérés car les revendications des talibans ont été satisfaites, ce qui implique la libération de talibans emprisonnés, et le versement de rançons. Le procédé est parfaitement détestable, car cela montre évidemment la voie pour d'autres prises d'otages. Déjà que les circonstances de la capture des deux journalistes restent contestables, il n'y a rien de réjouissant à l'idée que leur libération ait été obtenue en faisant preuve de faiblesse.

Quoi qu'il en soit, la médiatisation des otages est un procédé à géométrie variable. A l'heure actuelle, des ingénieurs et des humanitaires restent en captivité en Afrique, sans qu'il y ait le dixième du ramdam médiatique fait pour les journalistes ou d'autres personnalité connues. Ingrid Betancourt ou des grands reporters peuvent bénéficier de relais d'opinion (quelques soient les risques pris consciemment), mais toute cette sollicitude s'évanouit pour ceux qui ne sont connus de personne. Alors bien sûr, on se réjouit de la libération d'otages, mais on ne peut s'empêcher de constater le deux poids, deux mesures en la matière, et de rester songeur au fait que ce qui est bon pour certains semble être inutile pour d'autres.